Les langues dans le système éducatif marocain : entre paradoxe et réalité

Semaya El Boutouly1, Khadija Daoudi2

[1] Enseignante chercheure en didactique du FLE, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Ibn Zohr.

2 Doctorante, didactique du français, Laboratoire NUMECOL, ESEF, Agadir,

 Université Ibn Zohr.

DOI : https://doi.org/10.60481/revue-rise.N1.9

Résumé 

Toutes les réformes, que l’enseignement au Maroc a connues, répondaient à des besoins, à des impératifs liés souvent aux nouvelles exigences de la société (marché du travail, ouverture sur le monde, etc.). Ces besoins interrogent par ailleurs le statut du français, à la fois au Maroc à côté des langues officielles et dans le monde avec l’explosion des technologies de l’information et de la communication et la compétition que se livrent les langues internationales comme l’anglais, l’espagnol, le chinois et le français.

Mots-clésculture , réforme, ouverture sur le monde, dialogue des cultures et des civilisations; plurilinguisme; pluriculturalisme.

Abstract:

All the reforms that education in Morocco has undergone have responded to needs and imperatives often linked to the new demands of society (job market, openness to the world, etc.). These needs also question the status of French, both in Morocco alongside official languages and in the world with the explosion of information and communication technologies and the competition between international languages such as English, Spanish, Chinese and French. 

Keywordsculture - reform - openness to the world, dialogue between cultures and civilizations - multilingualism - multiculturalism.


 

Introduction

Le Maroc, à l’image de tous les pays du monde, se caractérise par la diversité linguistique et culturelle. Il est en effet rare de trouver aujourd’hui un pays exclusivement « unilingue » et « uniculturel ». Le plurilinguisme et pluriculturalisme marquent toutes les sociétés et communautés humaines.   Pour sa part, notre pays représente une mosaïque sociolinguistique et culturelle caractérisée par la diversité linguistique et culturelle. Il est le foyer d’une cohabitation et compétition entre les langues nationales comprenant les langues dites maternelles (arabe dialectal, tachelhit, tarifit et tamazight, hassania) et les langues officielles (arabe standard ou littéraire et Amazigh), enfin les langues héritées du protectorat, le français et l’espagnol.

Dans cette contribution, nous dresserons un bilan succinct de cette situation linguistique sans avoir la prétention ni d’apporter un nouvel éclairage ni de nous étaler sur cette question abordée par plusieurs chercheurs[1]

  1. Contexte et objectifs de l'étude

Le Maroc, dont le processus d’arabisation n’a pas obtenu les résultats escomptés, a voté, par le biais des deux chambres du parlement, le projet de loi-cadre 51-17 sur l'enseignement qui prévoit de dispenser l’enseignement des matières scientifiques en français.

Ce retour à la francisation des matières scientifiques doit interroger, une nouvelle fois, le statut du français qui passera de langue étrangère à langue seconde en quelque sorte.

Cela traduit également le malaise du système éducatif qui peine à trouver sa voie depuis plusieurs décennies et plusieurs réformes (la dernière a été introduite par le programme d’urgence 2009-2012).

Une nouvelle stratégie baptisée vision stratégique 2015-2030 est également mise en place avec l’ouverture de plusieurs chantiers liés aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, à la formation des enseignants, aux curricula, etc.

Parmi les objectifs et les valeurs défendues par cette vision stratégique, nous pouvons lire ce qui suit:

«Cette vision est fondée sur les constantes constitutionnelles de la Nation marocaine: la religion musulmane, l’intégrité territoriale, la monarchie constitutionnelle, le choix démocratique, l’identité marocaine unifiée dans la diversité de ses composantes, ouverte sur le monde et mue par les valeurs de la modération et de la tolérance, et la juste corrélation entre le sens de l’appartenance et celui du dialogue des cultures et des civilisations »[2].

Les termes qui ont retenu notre attention, en plus de ceux liés à l’appartenance à la nation marocaine, sont surtout ceux liés à l’ouverture sur le monde, le dialogue des cultures et des civilisations.

La noblesse de ces valeurs, qui prônent l’ouverture sur les autres cultures, sur les valeurs universelles (tolérance, modération) nous incite à interroger cette dimension dans l’enseignement/apprentissage du français au collège.

II. Démarche méthodologique

Dans cet article, il s’agira pour nous de revisiter la place du français, en tant que langue porteuse d’une culture, dans le paysage sociolinguistique marocain. Notre objectif est de vérifier les changements et/ou constances dans les rapports qu’entretient notre pays avec cette langue. Cet examen nous conduira ensuite à l’analyse du statut de cette langue dans le système éducatif marocain selon un axe historique et à travers les différentes réformes éducatives entreprises au Maroc depuis l’indépendance.

La place de la langue française est à interroger dans le cadre des réformes de l'enseignement au Maroc, vu qu’elle en constitue un axe majeur. En ce qui nous concerne, ici, nous passerons en revue la place qu’occupe cette langue dans les textes officiels dans un pays aux multiples composantes comme le Maroc. Ainsi, nous nous intéresserons à la place de cette langue dans les textes officiels qui régissent l’enseignement du français langue étrangère au Maroc, de manière générale et dans l’enseignement secondaire collégial de manière particulière.

Pour ce faire, nous nous appuierons sur les textes de référence, notamment la CNEF[3], le livre Blanc, les recommandations pédagogiques, la vision stratégique 2015-2030[4], les rapports du CSEFRS[5]. Notons ici que les textes en question sont facilement accessibles sur les sites web des différents organismes concernés. Il faut préciser qu’il s’agira pour nous de relever la place du français à partir d’une relecture de ces différents textes officiels. En outre, nous aurons recours à certains chercheurs ayant analysé la situation linguistique marocaine et la position de la langue française dans le paysage marocain. 

III. Principaux résultats de l’étude

Dans ce qui, il s’agira, pour nous, de présenter les principaux résultats issus de notre lecture des textes de référence et de la synthèse de quelques recherches ayant porté sur la situation des langues au Maroc.

Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le statut des langues nationales et maternelles et dans un second temps, nous nous focaliserons sur la place de la langue française, à la fois dans le paysage linguistique marocain et dans les textes officiels.

3.1.  Le statut de l’arabe standard (littéraire)

En amont, nous aborderons le statut de l’arabe dit standard (qualifié parfois d’arabe classique, arabe littéraire, arabe moderne), considéré par certains chercheurs comme étant la deuxième langue maternelle des Marocains arabophones (M.El Gherbi 1993), au moment où pour d’autres, il s’agit plutôt d’une langue seconde (A.Bigi 2000, A.Akouaou 1997). Au niveau officiel, cette langue bénéficie d’un statut de langue privilégiée et représente de ce fait un capital symbolique important. Ainsi, sur le marché linguistique marocain, à l’instar d’A.Boukous (1995:62)[6], nous dirons que l’arabe standard est doté « des indices les plus élevés à la bourse des valeurs linguistiques ».

Au Maroc, l’arabe dit standard représente la langue d’enseignement, à tous les niveaux du système éducatif, sauf dans les institutions privées où l’enseignement est en français de même que dans les établissements universitaires où la majorité des filières scientifiques et économiques adoptent le français comme langue d’enseignement[7].

Toutefois, il convient de préciser que l’arabe standard n’est pas la langue parlée au sein de la famille (Moâtassime, 1992, p.42).

Il faut noter que le privilège accordé à l’arabe remonte en quelque sorte aux années 60 où l’on assiste au démarrage officiel de l’arabisation de l’enseignement, puis de l’administration. L’arabe devient ainsi une composante essentielle de l’identité marocaine. Sa protection et sa promotion sont même considérées comme un devoir dicté par l’Islam. 

Dans les années 80, la poursuite du processus d’arabisation se poursuit et atteint les quatre premières années du primaire et accessoirement le secondaire (estimé entre 30 % à 50%). 

Plusieurs auteurs ont insisté sur l’échec de l’arabisation en se basant sur son caractère de stratégie improvisée1 sans aucune démarche de planification. E. Iazzi (2000)[8] résume cet échec en trois points importants:

  1. La non généralisation de l’arabisation : l’arabisation n’a pas touché l’enseignement supérieur,
  2. L’absence d’unification du système d’enseignement: nous assistons encore aujourd’hui à trois types d’enseignement, originel (en arabe), bilingue (arabe / français), technique (français) auxquels nous pouvons ajouter un phénomène nouveau: le BIOF (Baccalauréat international option Français) lancé depuis deux ans et que le ministère de tutelle entend généraliser.
  3. L’absence de mesures d’accompagnement de l’arabisation de l’enseignement primaire et secondaire notamment l’arabisation du marché de l’emploi.

Toutefois, en dépit de l’échec de l’arabisation, reconnu officiellement aujourd’hui, la langue arabe standard jouit encore d’un statut de choix. Dans ce sens, avant 1996[9], la constitution marocaine ne comportait pas d'article particulier proclamant l'arabe en tant que langue officielle du pays. Cependant, à l’issue de cette réforme, la désignation de la langue arabe comme langue officielle apparait dès la première phrase du Préambule de la Constitution, où nous pouvons lire « Le royaume du Maroc, État musulman souverain, dont la langue officielle est l'arabe, constitue une partie du Grand Maghreb arabe. »[10]. Il s’agit ici de l’arabe standard et non l’arabe marocain, tandis que l’amazigh était réduit au statut de patrimoine national.

Dans la dernière réforme constitutionnelle (celle de 2011) «l’arabe demeure la langue officielle de l’État. L’État œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation»[11].

Il s’agit à l’évidence de l’arabe standard[12], la langue du Coran. Cette langue garde donc son statut de langue officielle dans les institutions publiques, langue de communication écrite (communication formelle à caractère administratif, juridique, politique ou religieux) et de langue d’enseignement. Messaoudi (2010) précise que l’usage de l’arabe standard diffère selon les situations auxquelles les Marocains font face au quotidien.

3.2.. L’arabe dialectal, darija, arabe marocain

L’arabe marocain est considéré comme le langage véhiculaire des Marocains. Qualifié par A.Boukous (1995)[13],  de lingua franca, l’arabe marocain est l’idiome maternel des Marocains non amazighophones. Au Maroc, l’arabe dialectal représente « La variété la plus utilisée par le nombre de ses locuteurs (entre environ 70 à 80% de la population globale, y compris les amazighophones bilingues) et par l’espace qu’il couvre (60 à 70% du territoire national depuis la récupération des régions sahariennes) », (Ahmed Boukous 1995 : 91).

L’arabe marocain se répartit en plusieurs dialectes régionaux, résumés par  A.Boukous[14] à cinq au moins  «l’arabe citadin, l’arabe bédouin des plateaux, l’arabe bédouin des plaines, l’arabe bédouin des régions sahariennes (hassaniya) et l’arabe montagnard », op. Cit., p.62.

C’est un idiome essentiellement oral, même si l’on a pu voir apparaître plusieurs journaux et revues édités en darija marocain depuis quelques années.

Il n’est pas reconnu officiellement, mais demeure la langue d’usage du quotidien, celle avec laquelle les Marocains communiquent entre eux, dans la sphère privée principalement (Quitout, 2001, Bourdereau, 2006, Zerouali, 2011). Il peut être également pratiqué au sein des administrations publiques ou dans des réunions, mais généralement accompagné de l’arabe standard (Haidar, 2012, p.156). Il connaît plusieurs variations régionales, surtout sur le plan phonétique.

Récemment, l’espace public marocain a alimenté une vive polémique quant à l’introduction de l’arabe dialectal comme langue d’enseignement au Maroc.

3.3. L’amazighe

Historiquement, l’amazigh est la première langue parlée au Maroc, avant la conquête arabe. Toutefois, elle est restée marginalisée au Maroc et sa standardisation a débuté à la fin du siècle dernier, notamment avec la mise en place de l’IRCAM[15], suite au discours de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, prononcé à Ajdir, le 17 octobre 2001.

En général, les chercheurs évoquent trois variétés de l’amazighe, à savoir le tarifite ou rifain (région du Rif, villes de Nador, Al Hoceima, Aknoul etc.), le tamazighte (Moyen Atlas, la partie orientale du Haut Atlas, les vallées du Ziz, du Dadès et du Saghro), et le tachelhite, parlé essentiellement dans la partie méridionale du Haut Atlas, dans l’Anti Atlas et dans la plaine du Souss (Haidar, 2012, p.151[16]).

S’il est vrai que la langue amazighe a longtemps été « ignorée » par les divers gouvernements se succédant au Maroc, c’est grâce au discours d’Ajdir que l’Etat marocain a décidé d’introduire son enseignement dans les écoles primaires publiques à partir de la rentrée scolaire 2003-2004[17].

En 2011, la nouvelle constitution marocaine lui attribue le statut clair de langue officielle:  «(…) l’amazighe constitue une langue officielle de l’État, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception. Une loi organique définit le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l'enseignement et aux domaines prioritaires de la vie publique, et ce afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle. » (Article de la constitution du Royaume du Maroc, 2011).

3.4. Le français

La langue française a toujours fait l’objet de débats aussi bien dans la sphère publique que dans les milieux académiques.

Pour caractériser son, ou ses, statut(s), nous reprenons ici les propos de Kh. Mgharfaoui, 2016 à ce sujet:

«La rencontre du Maroc et de la langue française remonte à plus d’un siècle. Un siècle durant lequel cette langue est passée par plusieurs statuts et a fait l’objet de plusieurs réformes. Langue dominante, triomphante et indifférente vis-à-vis des marocains, langue incarnant la modernité et l’ouverture, langue convoitée, désirée, mais aussi honnie, parce qu’envahissante, langue frustrante, puis langue de l’espoir, de la littérature et de la réussite économique et sociale… jamais une langue n’a porté autant de qualificatifs contradictoires, trahissant par là son poids dans le débat linguistique au Maroc. Quelle que soit l’attitude qu’on adopte vis-à-vis de la langue française, on peut affirmer que celle-ci ne laisse jamais indifférent»[18].

Historiquement, c’est à la fin du 19ème siècle que le français a fait son entrée au Maroc, comme langue enseignée et estimait à huit les écoles dépendant de l’Alliance Française installée dans le paysAprès la signature du traité de Fès, le 30 mars 1912, la langue française fut implantée, de manière officielle, au Maroc et devint même la langue officielle du régime colonial et de ses institutions.

Deux caractéristiques essentielles définissaient à l’époque le statut de la langue française au Maroc:

Il s’agissait d’une langue officielle du Maroc sous le protectorat, mais moins diffusée auprès de la population locale. Les statistiques enregistrées, à l’époque, en matière d'enseignement du français étaient d’ailleurs décevantes. La scolarisation des enfants musulmans n’a touché qu’un nombre restreint. Ceci n’a pas limité le rôle de l’école française dans le renforcement de l’identité protectorale. L’enseignement est désormais sélectif et discriminatoire (ainsi, en 1935, 2 % d’enfants marocains scolarisables fréquentaient l’école française[19]). Les lauréats des écoles françaises étaient hautement qualifiés et représentaient les élites de la « nouvelle » société marocaine ce qui leur a permis de propager et maintenir la culture française.

Dans un second lieu, sous le protectorat, l’usage du français s'est étendu, au Maroc, grâce aux contacts et relations quotidiennes entre les Marocains et les Français (affaires administratives, commerciales, bancaires, industrielles, éducatives et militaires). Outre cet aspect informel, nous trouvons aussi la contribution des écoles « populaires » et la scolarisation massive des enfants marocains dans la diffusion de la langue et de la culture françaises.

En 1956, le Maroc obtient son indépendance et le gouvernement de l’époque déclare l'arabe classique comme langue officielle. Cependant, les liens avec la langue française n’ont pas été rompus et le français a gardé, de facto, sa position comme étant la langue de l’administration et de l’enseignement. 

Il convient de noter ici que la France avait pour objectif déclaré:

«de former, pour des tâches subalternes, des agents d’administration et des ouvriers qualifiés. Leurs efforts se concentraient en fait sur la mise en place d’un enseignement européen de qualité et sur l’éducation des fils de la bourgeoisie marocaine par l’ouverture d’écoles de fils de notables supposés produire une élite contrôlée et fidélisée. » (F. Benzakour, 2000)[20].

Toutefois, le passage d’Etat d’indépendance à l’Etat de l’autonomie a déclenché des litiges entre les lauréats des écoles françaises, considérés comme des élites modernes, et les élites arabisantes formées au sein des écoles traditionnelles.  

Au début des années 1960, le gouvernement marocain a adopté une politique, qualifiée d’ambitieuse, l’arabisation. Les dirigeants marocains ont tenté de remplacer progressivement la langue française par la langue arabe classique.

Le français est très largement utilisé dans l’administration, l’éducation et les médias, héritage de son passé «colonial». «Au Maghreb, le français est une langue très vivante, pratiquée parallèlement à l’arabe» (Marzouki, 2006), et on comprend donc que la langue française occupe une place importante et privilégiée au sein de la société marocaine, même si aucun texte officiel ne le mentionne explicitement.

Le français jouit d’un double statut en vérité: celui de 1ère langue[21] dans le domaine professionnel et de langue étrangère dans le système scolaire et dans les déclarations officielles.

En effet, il suffit de constater que pratiquement tout le tissu économique communique en français, et que toutes les enseignes publicitaires comportent le français, parfois à côté de l’arabe, pour s’en rendre compteCette confusion liée au statut du français dans notre pays conduit certains chercheurs à penser qu’elle se «répercute négativement sur la qualité de son enseignement/apprentissage. Les concepteurs des programmes se trouvent embarrassés: quel type de programme devraient-ils conceptualiser pour l’enseignement du français ? Est-ce un programme d’un Français Langue Etrangère (FLE) ou un programme d’un Français Langue Seconde (FLS) ?»[22]

Plus encore, cette ambivalence pourrait même expliquer la baisse de niveau en français chez les apprenants marocains. Dans ce sens, le même auteur[23] écrit:

«D’après notre expérience dans le domaine de l’enseignement, nous pouvons lier les principales causes de cette dégradation aux facteurs suivants:

Pour d’autres, comme J. Salmi (1985)[24], c’est plutôt l'introduction précoce du français à l'école primaire (3ème année du primaire) qui peut être à l’origine de l’échec et de l’abandon scolaire surtout dans les zones rurales et les quartiers défavorisés, sachant que dans ces milieux, les élèves ne sont pratiquement jamais exposés au français en dehors de l'école. L’échec serait ainsi dû, non au manque d’aptitudes cognitives et intellectuelles des apprenants, mais à leur exposition au français de manière précoce.

Comme on peut le constater, le statut ambigu de la langue française au Maroc représenterait un facteur expliquant la baisse du niveau de français chez nos élèves à côté d’autres facteurs tels que l’arabisation, la formation des enseignants et l’enveloppe horaire consacrée au français. Certes, il est vrai que la mise en place de l’arabisation a été un échec flagrant, mais soutenir que le processus d’arabisation a impacté négativement le niveau des apprenants marocains reste à démontrer.

En France, pays où le français est langue maternelle, plusieurs études et rapports pointent du doigt la baisse de niveau des apprenants. Ainsi, « la baisse se constate, quelles que soient les compétences. A la même dictée, 46 % des élèves faisaient plus de 15 fautes en 2007, contre 21 % en 1997 »[25]. Par ailleurs « un élève sur trois est faible en orthographe, contre un sur quatre dix ans plus tôt»

À notre avis, d’autres raisons pourraient expliquer la baisse de niveau de nos apprenants en dehors de celles retenues par Amal Jaoui. Nous pensons au rapport à la langue française, notamment la motivation d’apprendre, les représentations des élèves.

3.5. L’espagnol

La langue espagnole a été introduite au Maroc pendant le protectorat espagnol (de 1912 à 1956 pour les régions du Rif et jusqu’à 1975 pour les régions du sud du pays. Elle constituait alors la langue officielle des institutions espagnoles au Maroc, mais aussi de la presse et de l’enseignement. Elle est devenue en quelque sorte « (…) la langue véhiculaire entre les communautés présentes de religion ou de nationalités différentes » (Benzakour et al, 2000). Toutefois, l’usage de l’espagnol a régressé de manière significative ces dernières années.

Par ailleurs, à l’heure actuelle, l’espagnol n’est pratiqué que dans les villes où est présente la communauté espagnole et dans les zones restées sous influence hispanique:

«Mis à part dans les présides marocains de Ceuta et Melilla, qui sont encore sous domination de l’Espagne, l’espagnol ne garde plus qu’une faible présence dans les régions anciennement sous Protectorat et notamment à Tétouan et à Nador, qui entretiennent des relations frontalières à la fois commerciales et culturelles étroites avec Ceuta et Melilla. (…) Si, aujourd’hui encore, bon nombre de Marocains du nord s’expriment relativement bien dans cette langue, ils le doivent à leur âge (ils ont connu le Protectorat espagnol) ou aux relations frontalières avec les présides » (Benzakour et al, 2000).

L’espagnol est enseigné dans très peu de lycées marocains en tant que troisième langue étrangère après le français et l’anglais.

3.6. L’anglais

Contrairement au français et à l’espagnol introduits au Maroc sous l’effet du protectorat, l’anglais a fait son entrée au pays pour la première fois pendant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) avec l’installation de bases américaines sur le territoire marocain (Azzou) [26].

L’anglais est généralement la seconde langue étrangère que les Marocains apprennent à partir du collège dans les établissements publics, même si la Charte Nationale d’Education et de Formation (CNEF) de 2000, dans son levier 9, préconise son apprentissage dès la cinquième année de l’école primaire. Le volume horaire hebdomadaire consacré à cette langue est en moyenne de 4h. Dans le supérieur, l’anglais devient langue de spécialité dans les départements de langue et littératures anglaises des Facultés des Lettres et est souvent utilisé comme langue complémentaire dans bon nombre d’instituts, écoles et facultés. Dans le privé[27], et de plus en plus, l’anglais est parfois enseigné dès le préscolaire et d’une manière plus générale dès le primaire jusqu’au lycée.

C’est une langue qui est de plus en plus utilisée au Maroc dans les domaines techniques et scientifiques, et représente la langue d’ouverture sur les nouvelles technologies (Said Machrafi)[28].

IV. Le statut de la langue française dans l’enseignement au Maroc: d’hier à aujourd’hui 

Les différentes politiques institutionnelles n’ont pas défini un statut officiel pour cette langue. Ainsi, le français garde sa position de langue privilégiée et on constate même son retour en force au niveau de l’enseignement avec l’officialisation du BIOF et l’enseignement de matières scientifiques en français.

En revanche, sur le plan de la pratique linguistique, les langues nationales, surtout l’amazighe[29], commencent à reculer et à céder la place au français.

Dans ce qui suit, nous nous intéresserons au statut du français dans les différentes réformes éducatives au Maroc. L’analyse concerne les textes officiels, les réformes pédagogiques et la charte nationale d’éducation et de formation (CNEF).

4.1.. La situation du français sous le protectorat

Sous le protectorat français, et comme nous l’avons évoqué plus haut, le français était enseigné dans certaines écoles publiques comme langue maternelle indépendamment du contexte national. Les apprenants marocains inscrits dans ces écoles recevaient le même enseignement[30] que leurs homologues Français.

En 1935, à peine 2% d’enfants marocains scolarisables fréquentent l’école française. Par ailleurs, à la veille de l’indépendance, le nombre de cadres marocains formés dans le système scolaire sous le protectorat avoisinait le nombre de 4000 titulaires de certificats d’études primaires, 519 titulaires de brevet et 269 bacheliers[31].

Ces mêmes cadres ont constitué les leaders du gouvernement, et comme l’écrit F. Benzakour « Ces lauréats de l’école française ont représenté des élites modernes, mais aux structures administratives profondément francisées »[32] .

4.2. La situation du français après l’indépendance 

4.2.1.Des années 1956 aux années 70

Les «séquelles » de la période coloniale ont longtemps marqué le Maroc et ont ainsi permis au français de conserver son statut de langue officielle même après l’indépendance. En effet, le français a continué à faire partie du paysage linguistique en parallèle avec l’arabe et se maintient en tant que langue véhiculaire dans l’enseignement, l’administration et l’économie.

Après 1956, nombre de Marocains sont restés sous l’influence de la culture française et attachés à sa langue. Cette langue qui demeure un outil d’enseignement par excellence dans tous les cycles jusqu’au début des années soixante-dix où elle sera progressivement remplacée par l’arabe.

En 1961, les responsables marocains adoptèrent une politique d’arabisation de l’enseignement et en 1989, le processus d’arabisation de toutes les matières, aussi bien le cycle primaire que secondaire, a été achevé. Toutefois, le français a été conservé comme langue d’enseignement des matières scientifiques dans les écoles techniques et professionnelles du secondaire, les établissements d’enseignement technique, les écoles supérieures de technologie et les universités.

De ce fait, la langue française est enseignée non plus comme un instrument de culture, mais comme une langue étrangère. Les deux premières années du cycle primaire seront consacrées entièrement à l’enseignement en arabe; le français sera enseigné à raison de 15 heures par semaine, dans les trois dernières années, ce qui ne représente plus que 30% de la durée totale des études selon les instructions officielles de 1960[33].

En d’autres termes, sur les 5400 heures de travail qui constituent le cycle primaire, 3000 heures étaient consacrées au français ; ce nombre est désormais réduit à 1600 heures »[34]. Ainsi, en même temps, on a commencé à réfléchir à ré-examiner les objectifs à assigner au français dans le système éducatif.

Par ailleurs, les Instructions Officielles de l’époque avaient préconisé «une révision radicale des buts assignés à l’enseignement du français »[35]. Par conséquent, le rôle culturel de la langue sera remplacé par un rôle fonctionnel « Les leçons réservées à l’étude de la langue française se justifient désormais non plus par des fins culturelles, mais par des raisons pratiques [36]».

En 1967, et comme le préconisaient les instructions officielles:

 «La langue française, dit-on, est en effet définie comme une langue étrangère qu’il importe à un jeune marocain de manier avec aisance pour les services de tout ordre qu’elle peut lui rendre et comme une langue de culture complémentaire lui permettant d’établir avec sa culture nationale propre de fructueuses confrontations» [37] .

Dans les instructions officielles des années 70 (celles de 1974, 1976 et 1979), l’enseignement du français est resté «fonctionnel». Cependant, la culture française a pris sa place dans le cursus pédagogique préconisé, notamment « Bien Lire et comprendre». Lors de cette période, il faut préciser que le Ministère de l’Education Nationale se focalisait plus sur la généralisation et l’arabisation dans le but de garantir la marocanisation du système éducatif.

4.2.2. De 1980 à 1998

L’enseignement du français au Maroc visait, pendant cette période, à  « amener les élèves à communiquer en français (comprendre, lire, écrire) »[38] , en se référant aux «nouvelles» tendances éducatives notamment la « pédagogie par objectifs » et « l’approche communicative».   

«Un autre objectif, déjà visé par le passé, mais jugé ici plus prioritaire que jamais, était d’ordre communicatif et consistait à amener les apprenants à acquérir la compétence de communication qui leur permettrait de  comprendre, parler, lire et écrire avec un maximum d’aisance dans toutes les situations où le français leur est indispensable, ou simplement utile ». [39] C’est ainsi que le concept des « actes de langage », d’inspiration pragmatique, voit le jour comme il est souligné dans les instructions officielles 1987,  «On vise aussi l’aptitude à se servir de la langue dans une situation déterminée. On prend aussi en considération les données de cette situation, qui, sans être ignorées, se trouvaient reléguées au second plan».[40]

Nous constatons que ces nouvelles conceptions se focalisent sur les situations communicationnelles et culturelles pour déterminer le sens du vocabulaire selon son contexte.

S’inspirant de la notion pragmatique de contexte, les I.O. (1987) et les R.P.(1991) ont été élaborées pour cibler un public qui sera capable de communiquer en français avec des Français natifs.

Néanmoins, l’introduction des approches communicatives au Maroc dans l’enseignement du français langue étrangère n’a pas eu l’effet escompté dans la mesure où les apprenants marocains éprouvaient déjà des difficultés à l’écrit et étaient à la base « dépourvus » d’outils linguistiques leur permettant de développer leur compétence communicative en français.

Avec la réforme de 1994, on va s’intéresser alors à la formation et l’éducation de l’apprenant selon une démarche d’autonomisation. Il s’agissait en fait de rendre l’apprenant autonome et indépendant dans son apprentissage comme le stipulent les R.P de 1996:

«Pour l’enseignement du français, l’objectif fondamental est de contribuer à enrichir et à parachever la formation de l’élève de façon à le faire accéder à une autonomie suffisante dans la sphère ou il est appelé à évoluer». [41]

Cette réforme vient donc répondre aux attentes et aux besoins de l’apprenant marocain et s’inspire, dans sa démarche et son esprit, sur les sciences du langage, de la communication et de l’éducation et se donne pour objectif d’enseigner à « communiquer » dans une langue étrangère. 

4.2.3. La Charte nationale d’Education et de Formation

En 1998, le rapport de la banque mondiale met en évidence les retards accusés par le Maroc dans son système éducatif. En effet, ledit rapport, comme l’écrit El Mostafa Hddigui[42],

«a révélé que les performances du Maroc en matière d’alphabétisation accusaient, en 1995, un retard de près de 25 points par rapport à l’ensemble des pays en développement, et de 11 points par rapport aux pays arabes. Cet écart se creuse davantage quand on compare les taux féminins d'alphabétisation puisqu’il atteint 30 et 13 points respectivement. Le même phénomène est observé dans les indicateurs de scolarisation qui restent, au Maroc, encore faibles comparés à ceux des pays en voie de développement ».

À l’issue de ce rapport alarmant, le gouvernement a alors entrepris une réforme globale de l’enseignement ; au primaire, au collège, au lycée et à l’université car jusqu’à 1999, l’enseignant était la source unique de connaissance pour un apprenant spectateur, récepteur passif, dont le rôle est d’écouter, répéter, mémoriser sans réfléchir ni contester.  

C’est ainsi que fut élaborée la Charte nationale d'éducation et de formation qui a pour objectif d’insuffler à l’enseignement une nouvelle dynamique et de mettre l’apprenant au centre du processus éducatif. Elle a même érigé l’éducation au rang de 2ème priorité nationale.

La Charte Nationale d’Education et de Formation (désormais CNEF), adoptée en 1999 et lancée en 2000, s’est étalée sur une décennie 2000/2010. C’est le fruit d’un débat consensuel impliquant toutes les parties prenantes de l’éducation et de la formation. La CNEF vise à répondre à l’impératif national de surmonter la crise du système éducatif à la fin de la décennie 1990 et de tracer, pour la décennie 2000/2010, le renouvellement de l’école nationale, la généralisation de l’éducation, l’amélioration de la qualité pédagogique et la restructuration des cycles d’enseignement. 

La CNEF englobe deux parties fondamentales :

La première cite les principes suivants :

 Mobilisation nationale pour la rénovation de l’école

Par ailleurs, la seconde est intitulée « espaces de rénovation et levier de changement » et se présente de la manière suivante :

Tableau N° 1: Espaces et leviers de la CNEF

Espaces

Intitulé

Leviers

1

Extension de l’enseignement et son ancrage à l’environnement

1 ,2 et 3

2

Organisation pédagogique

4,5 et 6

3

Amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation

7, 8, 9, 10,11 et 12

4

Ressources humaines

13 et 14

5

Gouvernance

15, 16 et 17

6

Partenariat et financement

18 et 19

Source : tableau préparé par nos propres soins

En matière d’enseignement des langues, la réforme éducative proposée par la CNEF s’intéresse à l’enseignement des langues : arabe, amazigh et langues étrangères (français et anglais). Cet enseignement est évoqué dans l’espace 2 et 4, intitulé «: Réorganiser et articuler les cycles d'éducation-formation ».

Le levier 9 de la Charte (Perfectionnement de l’enseignement des langues) préconise le renforcement et le perfectionnement de l’enseignement et de l’utilisation de la langue arabe, la maitrise des langues étrangères et l’ouverture sur la langue amazighe.

Pour sa part, l’article 110 stipule que le Royaume du Maroc adopte, en matière d'enseignement, une politique linguistique claire, cohérente et constante[43] basée sur les orientations suivantes (voir les articles de 111 jusqu’à 118 de la CNEF):

Au niveau de l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, la charte confirme le statut du français comme étant la première langue étrangère. Elle recommande un ensemble de mesures et d’orientations pédagogiques qui seront mises en application pour initier les apprenants aux langues étrangères et assurer leur maitrise.

En effet, l’apprentissage de la première langue étrangère sera introduit dès la deuxième année du premier cycle de l'école primaire, en se centrant sur la familiarisation orale et phonétique. Tandis que l'enseignement de la seconde langue étrangère sera introduit dès la cinquième année de l'école primaire (se familiariser avec la langue anglaise).

4.2.4. Le livre blanc

En 2002, le livre blanc, document officiel publié par le Ministère de l’éducation nationale, est élaboré par plusieurs commissions, en l’occurrence la commission de l'éducation nationale, la commission des choix et des recommandations pédagogiques et la commission inter cyclique et interdisciplinaire.

Il a pour cadre de référence la charte nationale de l’éducation et de la formation et se donne comme mission la révision des curricula d’enseignement.

Il regroupe huit parties :

Pour mettre en exergue l’enseignement du français, le livre blanc dresse un inventaire des compétences visées et des directives pédagogiques définies par le ministère de tutelle.

Il convient d’abord de noter que dans la logique du livre blanc, le cycle collégial est une extension du cycle primaire. L’enseignement est organisé sous forme d’activités pédagogiques intégrées dans les programmes d’études axés sur l’éducation des apprenants aux valeurs, sur le développement de diverses compétences et visant la préparation des apprenants à l’accès au cycle qualifiant basé sur la spécialisation progressive.

L’enseignement du français est préconisé, selon les commissions d’élaboration de cette troisième partie[45], par la répartition du cursus en séquences (cycles primaires), en périodes (collège) et en modules (cycle qualifiant ou lycée).

Malgré les efforts déployés et la forte mobilisation engendrée par la CNEF, les attentes et défaillances demeurent encore vastes et les défis majeurs. 

4. 2.5. Le Programme d’Urgence

En 2009, le Ministère de l’éducation nationale lance un programme, baptisé programme d’urgence 2009-2012, dont l’objectif est de « consolider ce qui a été réalisé, et procéder aux réajustements qui se posent, en veillant à une application optimale des orientations de la Charte Nationale de l’Education et de Formation ».

Elaboré par le CSE en 2008, ce programme s’organise autour d’espaces d’intervention identifiés comme prioritaires par le rapport national sur l’état de l’Ecole et ses perspectives. A noter que ce programme d’Urgence a bénéficié d’un consensus général en accord avec les aspirations de la CNEF ; celui de « placer l’apprenant au cœur du Système d’Education et de Formation et mettre les autres piliers à son service ».

Le Programme d’Urgence s’articule autour d’un principe directeur stratégique qui constitue la pierre angulaire du programme et témoigne d’une approche à la fois novatrice et pragmatique:[46]

La maîtrise des langues, en tant que composante essentielle de la réussite scolaire et de l’intégration professionnelle, constitue également une problématique transversale clé sur laquelle il est aujourd’hui important de se pencher, à travers une modernisation des méthodes d’apprentissage de la langue arabe, la promotion de la langue amazighe et la maîtrise des langues étrangères. Quant à la question de l’enseignement/apprentissage des langues, notamment la langue française, qui nous intéresse dans cette contribution, le programme d’urgence conçoit, à l’instar de la charte nationale d’éducation et de formation, l’enseignement des langues, et du français plus spécifiquement, comme une des problématiques transversales du système. En effet, ce document a confirmé que la politique linguistique souffre de nombreux dysfonctionnements, à savoir le déphasage préjudiciable entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Par ailleurs, au niveau de la pratique pédagogique, il a mis en évidence l’inadéquation évidente par rapport aux compétences visées. Ceci a été confirmé par un test national réalisé en 2006 ayant révélé que seuls 7% des élèves de 6ème « maîtrisent » l’arabe, et 1%, le français.

Ainsi, en vue de surmonter ces défaillances et améliorer la maîtrise des langues chez les élèves, que ce soit la langue arabe, l’amazighe, ou les langues étrangères, le PU rappelle, d’une part les principes et les orientations de l’enseignement de cette langue :

4..2.6. La vision stratégique 2015-2030

Cette vision est une nouvelle réforme de l’école marocaine couvrant la période 2015- 2030, supervisée par le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS).

L’objectif est d’instaurer une école d’équité et d’assurer l’égalité des chances, en insistant sur la « quantité » de l’offre éducative sans omettre la qualité. Ladite vision est déclinée en chapitres, leviers et articles. Elle se présente de la manière suivante:

Tableau N°2 : Descriptif de la vision stratégique 2015/2030

Chapitre

Intitulé

Leviers

Articles

1

Pour une école de l’équité et de l’égalité de chances.

8

40

2

Pour une école de qualité pour tous.

7

55

3

Pour une école de la promotion de l’individu et de la société.

6

16

3

Pour un leadership et une nouvelle conduite du changement.

2

23

Source : Tableau établi par nos propres soins.

Suite à la demande du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSERS), l’Instance Nationale d’Evaluation a élaboré un rapport relatif à « la mise en œuvre de la Charte Nationale d’éducation, de formation et de recherche scientifique 2000 – 2013. Dans ce rapport, le CSERS confirme que l’école marocaine[47] souffre encore de dysfonctionnements dont on peut citer :

La problématique des langues à l’école marocaine est abordée à travers le levier 13, intitulé «Maîtrise des langues enseignées et diversification des langues d’enseignement » du chapitre 2 du rapport « Pour une École de qualité pour tous ».

Selon ce levier, les langues ont un rôle important dans l’amélioration de la qualité des apprentissages, dans la réussite des apprenants et dans leur insertion sociale et professionnelle. Ainsi, la vision stratégique a consacré un levier entier pour l’enseignement /apprentissage des langues dans lequel elle propose des suggestions à court, à moyen et à long terme.

Le rapport du CSERS [48]   rappelle et détermine la position et les statuts de chaque langue dans l’enseignement:

CONCLUSION

Notre état des lieux montre bien que le système éducatif marocain a connu une multitude de réformes ayant touché toutes les dimensions, parmi lesquelles nous retenons celles-ci :

Toutefois, en dépit des efforts des différents gouvernements et instances concernés par l’éducation, les réformes sont en deçà des attentes de la société. L’on remarque que plus de 60 ans après l’indépendance, on évoque encore le français comme langue du protectorat et on avoue également que l’arabisation fut une erreur. Les langues en présence, que ce soit sur le marché linguistique ou dans l’enseignement, sont en compétition et même les idiomes dialectaux (arabe marocain) commencent à s’imposer comme « langue » de communication écrite (affiches publicitaires, articles dans les journaux) et même à « flirter » avec l’enseignement, très récemment.

 Les langues d’enseignement posent aussi un problème à tel point qu’on ne sait plus quelle langue utiliser: la langue imposée par les instances institutionnelles, une alternance des codes, langue maternelle pour rapprocher l’enseignement de l’apprenant, etc.

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[1] Hddigui, Mostapha, Education: Stratégie Nationale en Matière de Scolarisation et d'Alphabétisation, 1998, http://www.hcp.ma/file/103154/, consulté en janvier 2017.

 

[2] Conseil supérieur de l’éducation, la formation et la recherche scientifique, pour une école de l’équité, de la qualité et de la promotion, vision stratégique 2015-2030, p.7.

[3] https://www.men.gov.ma

[4] https://www.men.gov.ma

[5] https://www.csefrs.ma

[6]Ahmed Boukous, Société, langues et cultures au Maroc, enjeux symboliques, Publications de la Facultés des Lettres de Rabat 

[7]Malgré la politique d’arabisation des années 1980, le français demeure la langue d’enseignement des matières scientifiques, langue jugée plus adéquate que l’arabe en raison de son riche vocabulaire en la matière et considérée encore aujourd’hui comme la langue du savoir, du progrès.

1 Pour une vue complète sur les différentes réformes visant l’arabisation, nous renvoyons à Ahmed Boukous  (1998: 65).

[8]El Mehdi  Iazzi, « Aménagement linguistique: cas de l’amazighe (berbère) marocain », Actes du colloque du GREAL, Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Agadir. 

[9] Date de la réforme constitutionnelle 

[10] La constitution du royaume du Maroc, préambule, 1996

[11] Article 5 de la Constitution, 2011, Royaume du Maroc.

[12]L’arabe standard est en fait l’arabe classique modernisé, c’est la langue des médias.

[13] Ahmed Boukous, Op.Cit. p.30

[14] A noter que dans ses travaux antérieurs, A.Boukous n’évoquait que trois variétés de l’arabe marocain, le bédouin, le montagnard et le citadin, voir A.Boukous 1979.

[15] Institut Royal de la Culture Amazighe, créé par le Dahir N°299-01-1, 17 octobre 2001.

[16] Mehdi Haidar, L’enseignement du français à l’université marocaine: le cas de la filière ”Sciences de la Vie et Sciences de la Terre et de l’Univers, Thèse de doctorat national en Sciences du langage, Université Ibn Tofail, Kénitra, 2012.

[17] Il faut reconnaitre que cet enseignement est encore à l’état de balbutiement. 

[18] Khalil Mgharfaoui (2016). « Enseignement du français au Maroc: le paradoxe d’une langue “privilégiée ». In Penser les TIC dans les universités du Maghreb. (Ouvrage collectif). L’Harmattan, Paris.

[19] Fouzia Benzakour, « Langue française et langues locales en terre marocaine: Rapports de force et reconstructions identitaires », Hérodote, no 126, 2007, p. 45.

[20]Fouzia Benzakour,  http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/25/Benzakour%20Fouzia.pdf, consulté le 10 juillet 2017.

[21] Nous préférons le terme de 1ère langue à celui de langue maternelle (ou même de Langue 1) car le second fait allusion à une langue apprise très tôt dans le foyer familial, en revanche par 1ère langue, nous signifions la langue privilégiée par un usager quelconque (ici le secteur économique.).

[22] Amal Jaoui, La communication didactique à l’école marocaine: cas du primaire dans la ville de Kénitra, thèse de doctorat, Université Ibn Tofail, Kénitra, 2017, p.51.

[23] Idem, p.43

[24] Jamil Salmi, (1985). Crise de l‘enseignement et reproduction sociale au Maroc. Ed, Magrébines, Casablanca

[25]Antoine Prost, « Le niveau scolaire baisse, cette fois-ci c'est vrai !, 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/20/le-niveau-scolaire-baisse-cette-fois-ci-c-est-vrai_1835461_3232.html, consulté le 20 janvier 2017.

[26]EL Mostapha Azzou « La présence militaire américaine au Maroc, 1945-1963 », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 210, no. 2, 2003, p. 126.

[27] A titre d’exemple, à Agadir une école privée  (Moroccan School) dispense la majorité de ses enseignements en anglais. 

[28] Said Machrafi, « L’apprentissage du français dans le contexte plurilingue marocain », in Revue des études humaines et sociales -B/ Littérature et Philosophie.N° 13, janvier 2015. p. 3- 21.

[29] Dans la majorité des écoles privées et même publiques, on a abandonné l’enseignement de l’amazighe depuis quelques années alors que cet enseignement était obligatoire.

[30]Abdellah, KRIKEZ,  Nature et enseignement de la langue française au Maroc, Tétouan, imprimerie à Al khalij El Arabi, 2005, p. 38.

[31] Jean BRIGNON et al.,1967, Histoire du Maroc, Librairie Nationale,, Casablanca

[32]Fouzia Benzakour, « Le français au Maroc: enjeux et réalité »,2000 http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/25/Benzakour%20Fouzia.pdf:52., consulté en janvier 2017.

[33] Mimoun Zerouali ,Statut du français à l’école marocaine depuis les années 60 jusqu’à la réforme de 2000, 2016,  Source: http://www.oujdacity.net/national-article-107877-fr/, consulté le 10 janvier 2017.

[34] MEN, Instructions officielles pour l’enseignement du français, Rabat, 1960, p. 11.

[35] Ibid, p.12.

[36] Ibid.,p.13.

[37] Instructions officielles pour l’enseignement du français, Rabat, 1967, p. 98.

[38] Ibid. p. 4.²    

[39] Ibid. p. 66.

[40] MEN, Instructions officielles pour l’enseignement du français, Rabat, 1987, p. 3.

[41] Ministère de l’éducation nationale: les recommandations pédagogiques du français dans le secondaire, 1996 .

[42]- Mostapha HDDIGUI, Education: Stratégie Nationale en Matière de Scolarisation et d'Alphabétisation, 1998, http://www.hcp.ma/file/103154/, consulté en janvier 2017.

 

[43] Commission Spéciale Education FormationCharte nationale de l’éducation et de la formation: espace 4, levier 9 article 110 p:30

[44] Idem, article 114 p:31

[45] La commission technique régionale (Commissions régionales de Rabat, Meknès et Tétouan), la Commission des Choix et la commission inter-cyclique et interdisciplinaire.

[46]Portefeuille global des projets du programme d'urgence 2009-2012. Rabat: Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de formation des cadres et de la recherche scientifique.

[47] Dans le contexte de la vision stratégique, « l’École » désigne le système éducatif dans l’ensemble de ses composantes: le préscolaire, l’enseignement primaire, le secondaire collégial, le secondaire qualifiant, l’enseignement supérieur et universitaire, la recherche scientifique, la formation des cadres, la formation professionnelle et l’enseignement traditionnel.

[48]MENESFCRS  Vision stratégique, chapitre 2, levier 13, article 13, p 45 et 46